Grand vin

Sankhara – Frédérique Deghelt

Afin d’intégrer le prestigieux stage de méditation Vipanassa qui se tient en Bourgogne, il faut respecter la condition sine qua non : aucun contact avec l’extérieur pendant onze jours. C’est peu de choses vous direz-vous…

Hélène, en plein désarroi, est accablée par le désastre de sa vie sentimentale et de son couple qui bat de l’aile. Sur les conseils d’un ami et pour tenter de calmer sa désolation et peut-être, qui sait, retrouver un semblant d’équilibre ou mieux encore d’ardeur, de passion, elle organise son départ loin de ses jumeaux de cinq ans, abandonnant tout de go son mari Sébastien en pleine perdition. Vaille que vaille, elle s’accroche à ce stage de méditation qui la laisse exsangue, lasse, inapte à gommer les zones d’ombre qui séjournent dans sa pensée. Hélène fléchit… Va-t-elle se ressaisir ?

SankharaEt pendant ce temps suspendu, Sébastien encaisse difficilement le choc de la séparation brutale qui survient en même temps que la colère et l’indignation du monde sous le joug des faits du 11 septembre 2001, qu’il lui revient de relater puisqu’il est journaliste. Et tandis qu’Hélène, loin des vacarmes et de l’agitation, médite dans le silence, se ressource dans la contemplation, retrouve peu à peu une paix intérieure. Cette vie en mode ralenti lui fait ainsi oublier un mari fébrile, agité, qui lui ôtait l’envie de partager encore un quotidien sans complicité ni émoi.

À travers ces deux héros, l’auteur nous dessine subtilement l’histoire de deux âmes meurtries aux antipodes l’une de l’autre et nous convie à suivre leur chemin de révolte, de détresse puis de reconstruction par la quête d’une sérénité intérieure pour la première et la réflexion sur le fondement de la douleur et son impact pour le second. Deux personnages à mille lieues l’un de l’autre qui se déchirent à force de faire semblant, de non-dits qui deviennent pesants. Et au cœur de ce couple défait, les hommes survivent, le monde chancèle et s’évanouit dans le bourdonnement des nuées d’humains qui ont arrêté de s’écouter dans leurs douleurs et leurs meurtrissures, qui se bornent à camper dans leur agressivité et leur hargne.

Si seulement l’humain pouvait essayer d’échapper, fût-ce quelque temps, à la sauvagerie, la virulence du monde et se laisser aller à la méditation, la poésie, l’art de vivre loin des tourments et des tumultes. Pour survivre, guérir peut-être… Tel est le message distillé par l’auteur dans un style limpide et sous couvert d’une plume délicate et raffinée.

Un rai de lumière dans un monde en noir et gris. Un sémaphore pour nous guider dans une trajectoire semée d’embûches, la vie…

À lire sans attendre.

Sankhara par Frédérique Deghelt, éd. Actes Sud

Date de parution : 8/1/2020  
Article publié par Catherine le 30 mars 2020 dans la catégorie Grand vin

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